- Tant mieux, tant mieux ! cela fera plaisir à tous les anciens amis, et je sais quelqu'un là-bas, derrière la citadelle de Saint-Nicolas, qui n'en sera pas faché. - Mercédès - Oui, mon père, reprit Dantès, et, avec votre permission, maintenant que je vous ai vu, maintenant que je sais que vous vous portez bien et que vous avez tout ce qu'il vous faut, je vous demanderai la permission d'aller faire visite aux Catalans. - Va, mon enfant, dit le vieux Dantès, et que Dieu te bénisse dans ta femme comme il m'a béni dans mon fils. - Sa femme ! dit Caderousse ; comme vous y aller, père Dantès ! elle ne l'est pas encore, ce me semble ! - Non ; mais, selon toute probabilité, répondit Edmond, elle ne tardera pas à le devenir. - N'importe, n'importe, dit Caderousse, tu as bien fait de te dépêcher, gar?on. - Pourquoi cela ? - Parce que la Mercédès est une belle fille, et que les belles filles ne manquent pas d'amoureux ; celle-là surtout, ils la suivent par douzaines. - Vraiment, dit Edmond avec un sourire sous lequel per?ait une légère nuance d'inquiétude. - Oh ! oui, reprit Caderousse, et de beaux partis même ; mais, tu comprends, tu vas être capitaine, on n'aura garde de te refuser, toi ! - Ce qui veut dire, reprit Dantès avec un sourire qui dissimulait mal son inquiétude, que si je n'étais pas capitaine... - Eh ! eh ! fit Caderousse. - Allons, allons, dit le jeune homme, j'ai meilleure opinion que vous des femmes en général, et de Mercédès en particulier, et, j'en suis convaincu, que je sois capitaine ou non, elle me restera fidèle. - Tant mieux ! tant mieux ! dit Caderousse, c'est toujours, quand on va se marier, une bonne chose que d'avoir la foi ; mais, n'importe ; crois-moi, gar?on, ne perds pas de temps à aller lui annoncer ton arrivée et à lui faire part de tes espérances. - J'y vais , dit Edmond. Il embrassa son père, salua Caderousse d'un signe et sortit. Caderousse resta un instant encore, puis, prenant congé du vieux Dantès, il descendit à son tour et alla rejoindre Danglars, qui l'attendait au coin de la rue Senac. - Eh bien, dit Danglars, l'as-tu vu ? - Je le quitte, dit Caderousse. - Et t'a-t-il parlé de son espérance d'être capitaine ? - Il en parle comme s'il l'était déjà. - Patience ! dit Danglars, il se presse un peu trop, ce me semble, - Dame ! il para?t que la chose lui est promise par M. Morrel. - De sorte qu'il est bien joyeux ? C'est-à-dire qu'il en est insolent ; il m'a déjà fait ses offres de service comme si c'était un grand personnage ; il m'a offert de me prêter de l'argent comme s'il était un banquier. - Et vous avez refusé ? - Parfaitement ; quoique j'eusse bien pu accepter, attendu que c'est moi qui lui ai mis à la main les premières pièces blanches qu'il a maniées. Mais maintenant M. Dantès n'aura plus besoin de personne, il va être capitaine. - Bah ! dit Danglars, il ne l'est pas encore. - Ma foi, ce serait bien fait qu'il ne le f?t pas, dit Caderousse, ou sans cela il n'y aura plus moyen de lui parler. - Que si nous le voulons bien, dit Danglars, il restera ce qu'il est, et peut être même deviendra moins qu'il n'est. - Que dis-tu ? - Rien, je me parle à moi-même. Et il est toujours amoureux de la belle Catalane ? - Amoureux fou. Il y est allé ; mais ou je me trompe fort, ou il aura du désagrément de ce c?té-là. - Explique-toi. - A quoi bon ? - C'est plus important que tu ne crois. Tu n'aimes pas Dantès, hein ? - Je n'aime pas les arrogants. - Eh bien, alors ! dis-moi ce que tu sais relativement à la Catalane. - Je ne sais rien de bien positif ; seulement j'ai vu des choses qui me font croire, comme je te l'ai dit, que le futur capitaine aura du désagrément aux environs du chemin des Vieilles-lnfirmeries. - Qu'as-tu vu ? allons, dis. |